lundi 1 octobre 2012

Le retour...


À l'aéroport de Rio

Voici finalement notre dernier message. Le vrai dernier. On pensait bien pouvoir l’écrire plus rapidement mais vous l’aurez deviné, le retour à notre « vie normale » n’a pas été de tout repos… Cependant, même si plus d’un mois s’est déjà écoulé depuis notre retour au pays, je tenais à écrire un petit mot sur notre retour puisqu’en lisant les blogues des autres familles qui ont fait de longs voyages, c’était toujours ma question : et après ? Comment ça se passe le retour ? Et surtout, l’après-retour ? À suivre une famille pendant plusieurs mois, on apprend à les connaître, on s’attache même sans les avoir rencontrés, et on est préoccupés par le retour…

Notre premier mois chez nous a été des plus excitants…  Nous avons revu ceux dont nous nous étions ennuyés et on en a bien profité : soupers avec la famille et les amis, sorties, visites, etc.  Le tout en se réinstallant et en redécouvrant notre appartement, qui nous semblait désormais immense.  Chaque pièce nous semblait démesurément grande, et chaque boite renfermait des choses dont nous avions oublié l’existence.  Ariel comprend finalement ce que c’est une chambre et une cours, et Élias et Théo sont incrédules devant tous les jouets qu’ils retrouvent…
Ariel et sa marraine Marie-Pierre
De beaux moments avec nos familles
Après environ deux semaines, l’excitation du retour diminue,  bien sûr … Toute la famille commence à faire des lapsus :  « Allez les enfants, on embarque dans Bertha… » ou encore « Maman, quand est-ce qu’on retourne à Bertha ? ».  Élias et Ariel (malgré ses deux ans) sont ceux qui réussissent le mieux à mettre des mots sur leur nostalgie et qui évoquent le plus de souvenirs.  Élias est heureux de retrouver ses grands-parents, ses cousins, ses oncles et tantes dont il s’est tellement ennuyé.  Ariel s’attache à toutes ces personnes significatives pour nous mais que lui connait si peu, (il les a si peu vues dans sa courte vie) avec une facilité et une rapidité surprenante.  Pour Théo, c’est plus difficile.  Il parle peu et se fâche beaucoup, frappe beaucoup.  Notre excitation des premiers jours lorsqu’on croise un motorisé sur la route se transforme en pincement au cœur, on s’ennuie…

Le premier matin de notre "vraie vie"
Fin août, c’est la « vraie vie » qui recommence : l’école pour Élias, la garderie pour Théo et Ariel, et le travail pour papa et maman… Élias fait sa rentrée à l’école comme un champion, mais il a de la difficulté à saisir le rythme et le sens des journées qu’il y passe.  Théo nous surprend une fois de plus en étant un ange de collaboration à la garderie alors qu’à la maison, il est un vrai démon depuis notre retour.  Fier d’être dans le groupe des plus vieux, il prend soin des plus jeunes, explique son voyage à ses amis et  se montre curieux envers tout.  Quand à Ariel, il s’habitue tranquillement à s’éloigner de ses parents et de ses frères, mais la transition est difficile.   S’il était mieux capable de dire ce qu’il ressent, il nous demanderait sans doute c’est quoi l’idée de ne plus être ensemble tout le temps…

En préparant le lunch d’Élias en même temps que le déjeuner de toute la famille à 6h30 le matin, difficile de ne pas avoir les blues en se souvenant de nos marches matinales en compagnie des vicunas au pozuelo en Argentine, ou aux levers de soleil sur l’océan auxquels on assistait en buvant notre café autour de notre petite table de cuisine dans Bertha… Pendant ces moments de « décalage » entre ce qu’était notre vie il y a deux mois et ce qu’elle est devenue maintenant, je me retrouve un peu perdue entre ces deux vies, à me demander quel est le sens de chacune d’entre elles et comment elles se concilient…  Et aussi qui sommes-nous ? Des routards ou des montréalais ? ou aucun des deux ? Quelle est la vraie vie ?  Le vagabondage  ou la routine ?  Et cette question n’a vraiment rien d’anodin.  Heureusement, les enfants ne me laissent pas le temps d’y penser trop longtemps.  Avec la force propre à leur jeune âge, ils nous propulsent vers l’avant, vers cette vie et ces défis qui nous attendent…
Élias, Théo et Ariel 

Difficile de savoir ce que les enfants retiendront de ce voyage, de cette année d’aventure.  Plusieurs ont déploré (et nous les premiers !) qu’ils soient si jeunes et qu’ils ne puissent pas se souvenir de ce qu’ils ont vu… Mais on aime penser que s’ils se souviendront de peu de choses (surtout Ariel), cette année les marquera tout de même.  La capacité d’adaptation qu’ils ont développée, leur amour de la nature et des bibittes, leur goût du dépassement, on espère que cela leur restera…  Et peut-être aussi une petite voix intérieure qui saura leur dire, au moment voulu, que tout est possible… Si leurs souvenirs se mélangeront et s’estomperont avec le temps, nous espérons que le sentiment de liberté et la joie de vivre qui nous ont accompagnés toute l’année resteront gravés dans leur cœur et leur mémoire… 

Et pour nous, qu’en restera-t-il ? Nous pourrons sans doute vous le dire dans quelques années… Mais on en retient que malgré « la trentaine, la bedaine, les morveux et l’hypothèque » (ok, on n’a pas vraiment de bedaine…), les folies sont encore possibles, et même nécessaires.  Cette année à été une merveilleuse folie à cinq, et on espère qu’elle n’est que le début d’une longue série de folies du même genre, toutes plus folles les unes que les autres…
Notre famille, au début et à la fin de notre voyage

Chose certaine, on revient avec une dangereuse prise de conscience.  Le monde est  à la fois plus vaste et plus beau qu’on le croit, mais aussi plus petit et plus fragile.  Les Andes, les déserts, les océans, les séquoias, la pampa avec ses vicunas, la jungle.  Une vie est beaucoup trop courte pour jouir de tous les trésors dont recèle notre demeure, la terre.  Elle mériterait tant qu’on prenne soin d’elle.  Ce qu’on fait trop peu.  Nous la volons et la violons jour après jour.  On me dira que j’exagère, et malheureusement j’aimerais tant que vous ayez raison.  Mais après avoir vu le smog et le trafic étouffer Los Angeles ou Rio, après avoir vu les dépotoirs partout en Amérique (sauf chez nous bien sûr, on nous les cache pour nous faire croire qu’on peut tout jeter et que ça disparaît), après avoir passé dans ces immenses pays ou l’eau peut vous rendre malade au simple toucher, après avoir vu que partout, tout ce que le bon peuple désire, c’est avoir une automobile, manger des big macs et boire du Coke, impossible de ne pas se poser des questions.  Un exemple triste sur le désir de singer notre mode de vie nord-américain ?  Un seul.  La Bolivie.  En 2004, j’y étais et la coca était la boisson nationale.  Tout le monde se promenait avec sa tasse en métal, ses feuilles de coca et son sachet de sucre en attendant que quelqu’un lui offre de l’eau chaude.  Au marché, les indigènes utilisaient encore le bon vieux panier tressé.  Aujourd’hui, la boisson nationale est le coke, et les sacs de plastique sont légion.  Où je veux en venir ? Qu’est-ce qui a de mal à ça ?  Rien, à condition d’être aveugles et de ne pas voir les dépotoirs que sont les bords de route, les champs, les rivières.
Route aux environs de Lima
Y a-t- il  de l’espoir ?  Sans doute.  Il existe des exemples.  Buenos Aires, Bogota, respectivement 13 et huit millions d’habitants. Moins de trafic, moins de smog qu’à Montréal, qui ne fait pourtant pas deux millions d’habitants.  L’Équateur, qui grâce à un président avec des couilles, a décidé que son pays aurait de l’eau propre à boire.  Et vous savez quoi ? Tous les foyers équatoriens ont désormais de l’eau potable. Ça ne nous émeut que peu ici, l’eau nous sort par les oreilles, et pourtant nos dépotoirs débordent de vieilles bouteilles individuelles d’eau qui provient des systèmes d’aqueduc de la ville voisine…  Toute l’Amérique du sud et l’Amérique centrale a des voitures fonctionnant au gaz naturel et au propane, moins polluants que l’essence naturelle.  Chez nous, on ne sait même pas que cette technologie existe.   Il y a aussi le Nicaragua, qui a mis  le prix de l’essence si haut que personne n’envisage de s’acheter une automobile. Bon, c’est sûr qu’ici au crierait au meurtre.  N’empêche, là-bas, tout est pensé en fonction du transport collectif : en bus, en charrette, en boîte de pick- up, à dos d’âne ou à cheval, à deux trois et quatre sur un vélo, en moto…   Alors que d’autres gouvernements misent sur le tout à l’auto (je ne donnerai pas d’exemple, vous en avez un trop beau devant vous).  Bref, il y a de l’espoir.  Mais chose certaine, l’espoir ne se voit  (ne se voyait)que peu chez nous.  En fait, même si les Québécois ont tendance à se croire progressistes (est-ce dû à la mauvaise habitude de se regarder le nombril ou peut-être seulement au fait que nous confondons « ailleurs » avec « Amérique du Nord » ?), quoi qu’il en soit,  à plus grande échelle, il faut bien avouer qu’au niveau environnemental, le tiers-monde, c’est nous...


De notre aventure, il restera aussi ce blog, petit morceau de partage…  Il n’a pas été écrit comme d’autres alimentent leur page face book en informant la planète où ils sont à chaque minute de leur vie.  Vous  avez bien compris que tel n’était pas notre genre (et particulièrement pas celui de Jean-François, qui préfère de loin le récit raconté autour d’une grosse bière  à l’énumération d’un agenda). On n’a pas écrit non plus pour montrer aux autres qu’on était capable de partir. On l’a fait avec et pour le plaisir.  Sans prétention aucune. On a écrit ce blog avant tout pour donner des nouvelles aux gens qu’on aime, dont on s’ennuyait.  On vous remercie d’ailleurs de votre fidélité, de vos réactions, de votre soutien à travers cette année folle. 

On a aussi écrit toutes ces pages parce qu’on aimerait  que ceux qui nous lisent, qui nous ont lu, sachent que c’est possible de rêver. De faire à sa tête.  De décider de vivre. De prendre le temps de vivre.  Et que les fameuses phrases du type : « On n’a pas le choix ! » ou encore « C’est de même un point c’est toutte ! », eh bien, il faudrait les écouter le moins souvent possible.  Et peut-être que certains seront inspirés et se diront que c’est encore possible croire en ses rêves, de les réaliser et de les vivre au jour le jour.  Peut-être décideront-ils, soit sur un coup de tête (presque que comme nous) ou soit après avoir longtemps planifié le projet qu’il est temps.  Qu’il est temps de se sortir de nos blocs horaires pour se laisser la chance de se faire surprendre par la vie, de s’émerveiller encore.

Et enfin, on souhaite avoir réussi à vous toucher.  Peut-être que ce souhait est encore plus grand pour ceux qui comme nous, ont des petites familles (ou des familles en devenir).  À ces familles en devenir, j’aimerais aussi vous dire d’arrêter de penser qu’il faut « en profiter maintenant, tant qu’on n’a pas d’enfants, parce qu’après… »  (comprendre que les trois petits points signifient : ça va être poche à mort !)  Me semble que c’est la plus belle façon de se creuser sa propre tombe : « je projette que ma vie sera plate ».  Mais on entend pourtant si souvent ce type de réflexion : profitez tant que vous êtes jeunes…  J’aimerais plutôt croire qu’il faut se dépêcher  de faire des enfants maintenant pour en profiter pendant qu’on est encore jeunes !  En effet, malgré les cernes sous les yeux, les trésors de patience exigés et les inquiétudes, le sentiment bien souvent d’être une garderie roulante ou la frustration de ne pas comprendre « le monsieur » parce que les enfants crient, voyager avec des enfants vaut tout l’or du monde.  On y réapprend la lenteur, à vivre l’instant présent, et aussi à s’émerveiller devant ce monde si riche auquel nos yeux d’adultes finissent par être aveugles.  Mais surtout, pour notre part, jamais n’aurions-nous été aussi fous sans enfants ! 


Dernier clin d’œil : voici nos palmarès, rien de sérieux, rien de valide (contrairement au palmarès des écoles au Québec) que du subjectif, que du plaisir à les faire, et à se rappeler !


Palmarès des gens les plus sympathiques que nous avons rencontrés:
Équatoriennes souriantes
           1-    Équatoriens
           2-    Salvadoriens
           3-    Colombiens
           4-    Uruguayens
           5-    Argentins











Nos bivouacs de rêve :
           1-    Laguna de llaganuco, cordillère blanche, Pérou
           2-    Salar de Uyuni, Bolivie
           3-    Tuba creek, Costa Rica
           4-    Playa el Coyote, Bahia California, Mexique
           5-    Parc de Sajama, proche des bains thermaux,  en Bolivie
           6-    Parque Sarmiento, Cordoba, Argentine
           7-    Volcan Cotopaxi, Équateur
           8-    Sur les bords de la rivière Chiriqui, près de Caldera, Panama
         9-    Sur la côte caraïbe en Colombie, à environ 20 km à l’ouest de Palomino, au bord de la rivière              super claire (bonne chance pour le trouver, mais ça en vaut le coup !)
          10- Parque 3 de febrero, Buenos Aires
Bivouac à la laguna Llaganuco

Les chûtes d'Iguazu
Les merveilles de la nature ou de l'homme qu’il ne faut absolument pas manquer :
           1-    Cordillère blanche (Pérou)
           2-    Iles San Blas (Panama)
           3-    Chûtes d’Iguazu (Argentine et Brésil)
           4-    Désert de sel d’Uyuni (Bolivie) 
           5-    Les ruines incas de la vallée sacrée
           6-   Semuc Champey (Guatémala)
           7-  Plages de Cabo Frio (Brésil)
       8-    Akumal avec ses tortues et ses coraux  (Mexique) 
           9-    Laguna Cuicocha (Équateur)
           10- Laguna Verde (Colombie)

Rio de Janeiro
Les villes que nous avons préférées:
           1-    Rio de Janeiro (Brésil)
           2-    Buenos Aires (Argentine)
           3-    San Francisco (USA)
           4-    Carthagènes (Colombie)
           5-    Bogota (Colombie)
           6-    La Paz (Bolivie) 
           7-    Cuenca (Équateur)
           8-    Morelia (Mexique)
           9-    Grenade (Nicaragua)
           10- Mendoza (Argentine)


Et finalement, les endroits où il ne faut surtout pas  se perdre en Bertha (motorhome) :
           1-    La Paz (Bolivie)
           2-    Lima (Pérou)
           3-    Guatémala Ciudad (Guatémala)
           4-    Belize City (Belize)
           5-    San Cristobal de las Casas (Mexique)

Ce voyage c’est la chance qu’on s’est donnés de voler une année de vie.  Dans notre rythme occidental, endiablé, effréné, surchargé, où les obligations nous dépersonnalisent, au bout du compte, comme cinq voleurs, on aura volé une année complète, et on en aura profité, juste pour nous.  Cette année, on l’aura volé à toutes nos obligations, à toutes nos chaînes.  Pour avoir la chance de rouler à travers les Rocheuses et à travers les Andes.  De faire du surf l’après-midi et de cuire du poisson sur un feu de bois à la nuit tombante.  De vider une bouteille de malbec en regardant des vrais danseurs de Tango autour de nous.   De dormir dans le Salar d’Uyuni et de marcher sous la lune, dans cette blancheur, sous les étoiles.  Je ne peux faire la liste, ça prendrait trop de pages, d’ailleurs la liste est déjà faite, avec photos en prime.  Cette liste est commencée depuis quinze mois !

Quelques uns des magnifiques endroits ou Bertha nous a amenés...
Maintenant notre autre vie est là, devant nous. Le rêve devra être construit au quotidien.